Cathédrale du Mans | Notre Dame de la Couture

Les homélies du Chanoine Sesboüé

Notre cher Chanoine Sesboüé avait été très heureux que notre Ensemble paroissial publie, semaine après semaine, ses homélies dominicales.  Après son décès, après quelques semaines de recueillement, par fidélité et reconnaissance, nous reprenons la diffusion de ces belles méditations.

25ème Dimanche du Temps Ordinaire

À l’école du Dieu d’amour

 

Pour bien comprendre cette parabole bien connue et qui suscite, à première lecture, une impression de gêne, il faut tenir compte de la logique de Dieu que nous a rappelée le livre d’Isaïe : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur. »

 

L’Évangile est rempli de sentences paradoxales qui surprennent et peuvent choquer dans une logique purement humaine, mais qui révèlent l’infini de Dieu qui est amour. Comme les premiers ouvriers de la vigne, nous pouvions espérer que la générosité du maître, qui rétribue largement les tard-venus à la vigne, s’appliquerait aussi aux autres.

 

Observons d’abord le premier contexte de cette parabole propre à Matthieu.

Cet évangile a été rédigé dans une communauté chrétienne venue du judaïsme et qui souffrait de voir tant de frères juifs refuser le message de Jésus. Fiers de faire partie du peuple élu d’Israël, certains pouvaient considérer qu’ils avaient des droits de priorité dans l’Église. Jésus leur dit que tous ceux qui répondent à son appel sont égaux. La parabole exprime d’abord cette vérité, comme le souligne la sentence finale : les derniers (les païens convertis) seront premiers, et les premiers (les chrétiens venus du judaïsme) seront deniers.

 

Mais par-delà ce premier contexte, la parabole nous transmet un message important : l’appel universel et l’amour gratuit de Dieu pour nous.

 

 

  1. L’appel

 

Nous avons d’abord une parabole de l’appel, comme d’autres (pensons notamment aux invités au festin). De même que le maître de la vigne appelle des ouvriers tout au long de la journée, de même Dieu, tout au long de l’histoire humaine, ne cesse d’appeler à sa vigne, figure de l’Église. Il appelle à toute époque, il appelle chacun à tout moment de sa vie.

 

Certains ont entendu cet appel dès leur plus jeune âge (c’est une grâce accueillie par beaucoup d’entre nous) ; d’autres à un âge mûr ou même tard dans leur vie ; tous ont été accueillis avec joie par le Seigneur.

 

Aller à la vigne du Seigneur, c’est non seulement faire partie du Royaume annoncé dans l’Évangile, mais travailler au progrès spirituel et à l’expansion de ce Royaume. Heureux les fidèles qui sentent leur responsabilité missionnaire dans l’exemple qu’ils donnent, dans les engagements qu’ils prennent, qui n’ont d’autre souci que de plaire à Dieu en comptant sur son amour qui saura les récompenser.

 

 

  1. Quelle rétribution ?

 

Si la parabole présente la rétribution du travail accompli comme la conclusion d’un contrat, nous voyons par la suite combien elle diffère des conventions humaines. Certes, une première réponse donnée aux contestataires fait valoir le bon droit du propriétaire : « Je ne te fais aucun tort… N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? » Mais ce raisonnement ne satisfait pas le lecteur qui pense que l’équité, le bon sens serait de majorer le salaire de ceux qui ont « enduré le poids du jour et de la chaleur ».

 

La vraie réponse est dans la finale : « Vas-tu regarder avec un œil mauvais, parce que je suis bon ? » Elle demande une conversion du raisonnement, une conversion du regard. Elle veut exclure toute forme de jalousie. Le geste du maître de la vigne veut exprimer la bonté de Dieu qui exclut les comparaisons humaines et obéit à une logique d’amour, de gratuité.

 

Dans la relation entre l’effort humain et la récompense promise, il nous est demandé de tenir à la fois deux vérités : d’une part, chacun est jugé selon ses œuvres ; cette vérité, déjà présente dans les psaumes, est reprise dans l’Évangile. D’autre part, ce que Dieu donne au fidèle, à l’homme de bonne volonté, est toujours gratuit.

 

Une oraison liturgique s’adresse à Dieu qui « comble ceux qui l’invoquent bien au-delà de ce qu’ils demandent ». La bonté de Dieu sort de son cœur plein d’amour pour les hommes et sait reconnaître en eux tout signe de bonne volonté. La jalousie qui voudrait mettre une limite à cette bonté vient d’un cœur et d’un œil mauvais : « Vas-tu regarder avec un œil mauvais… ? »

 

 

* * *

 

Ces réflexions sur la parabole des ouvriers de la vigne nous appellent donc à deux attitudes spirituelles :

 

  • Tout d’abord, se savoir appelé. Nous sommes d’humbles ouvriers de la vigne du Seigneur. Essayons de donner notre pleine mesure de foi, de charité ; de témoigner de la joie que nous avons d’être disciples de Jésus, sachant qu’il tient compte de nos efforts, de notre désir d’être proches de lui.

 

  • Ensuite, convertir notre regard sur les autres en excluant tout sentiment de jalousie, de comparaison avec eux, d’esprit de supériorité ; mais plutôt être heureux du bonheur et des grâces dont ils bénéficient.

 

C’est à Jésus que nous devons nous comparer en nous demandant si nous lui ressemblons toujours un peu plus. Là est la vraie liberté spirituelle des enfants de Dieu, la vraie joie de servir gratuitement.

 

 

Finalement, cette récompense unique donnée à tous, c’est la vie de gloire promise à ceux qui aiment Dieu, même imparfaitement.

 

Saint Grégoire le Grand écrit :

« Auprès du Père, il y a beaucoup de demeures. Cependant, les divers ouvriers reçoivent le même denier, car pour tous unique sera le bonheur de la joie, bien que, pour tous, la grandeur de la vie n’ait pas été unique » (Moralia 4,36,70).

 

Amen