Cathédrale du Mans | Notre Dame de la Couture

Les homélies du Chanoine Sesboüé

Notre cher Chanoine Sesboüé avait été très heureux que notre Ensemble paroissial publie, semaine après semaine, ses homélies dominicales.  Après son décès, après quelques semaines de recueillement, par fidélité et reconnaissance, nous reprenons la diffusion de ces belles méditations. 

Quinzième dimanche du temps ordinaire Année A                       13 juillet 2008

 

La parabole du semeur.

 

 

Pendant ces trois dimanches, nous entendons Jésus proclamer des paraboles. Ce fut pour lui un moyen privilégié de prêcher la Bonne Nouvelle. La parabole, prenant appui sur des scènes de la vie courante, utilise le langage concret, propre à mieux faire comprendre l’enseignement spirituel, pour autant que les cœurs soient bien disposés ; car l’Évangile souligne aussi son aspect volontairement obscur pour ceux qui se ferment devant la lumière divine. En tête de la première collection des paraboles, la tradition évangélique place celle du semeur. Parabole fondamentale qui évoque à la fois l’activité missionnaire de Jésus — lui, le semeur par excellence — et l’accueil qui lui est fait par les hommes, préfigurés par les différents terrains où tombe le grain.

Il nous faut examiner successivement la parabole elle-même et l’explication qui la suit.

 

1) La parabole.

Dans la vie publique de Jésus, dans l’éducation progressive des disciples aux mystères du salut, la parabole s’inscrit dans un contexte de doute, d’inquiétude des contemporains. Jésus discerne, dans le cœur des disciples, certains germes de découragement : les oppositions à sa mission commencent à se manifester. Quel peut-être l’avenir de la Bonne Nouvelle ? Quel va être le sens de cette aventure qu’ils ont accepté d’entreprendre à la suite de leur maître ?

Par cette parabole, Jésus leur dit : « Levez les yeux vers la moisson qui lève, ne vous laissez pas abattre par les différentes formes d’échec. »

Il ne s’agit pas là d’utopie irréelle. La parabole se veut réaliste en constatant les échecs. Quand un semeur sème à plein vent, la semence peut tomber en dehors du bon terrain. Quand le prédicateur de l’Évangile parle devant divers auditoires, il peut y avoir des cœurs qui se ferment devant son message.

Mais ce réalisme n’empêche pas l’optimisme. L’important est le résultat final. Cette parabole s’inscrit dans le groupe des paraboles de croissance qui soulignent qu’aucun obstacle ne pourra empêcher l’Évangile d’être prêché et accueilli dans la foi. L’antithèse est faite entre les terrains plus ou moins mauvais mais qui de toute façon ne permettent pas de résultat positif et la bonne terre qui permet une récolte surabondante.

Ce regard optimiste sur le résultat final, non encore constaté, mais attendu, s’appelle l’espérance chrétienne.

 

2) L’explication.

L’explication reflète la situation de l’Église primitive. Mise dans la bouche de Jésus, elle applique à la situation des premiers chrétiens l’enseignement du maître.

Tout d’abord, Jésus n’étant plus sur la terre, elle applique la semence, non pas à l’ensemble de son activité — actions et parole, car Jésus enseigne aussi par ses actes ; mais seulement à sa Parole.

C’est elle que l’Église prêche, cette parole vivante qui pénètre les cœurs bien disposés. Par ailleurs, elle reflète un souci d’allégorie c’est-à-dire d’appliquer à chaque élément du récit un symbolisme particulier. C’est ainsi que chacun des mauvais terrains est interprété par un motif particulier. (Refus, accueil mitigé, accueil ?)

Le chemin sec représente l’action de Satan, c’est-à-dire l’emprise du mal sur les hommes qui sont indifférents à l’Évangile.

Le sol pierreux évoque l’inconstance des cœurs, à l’origine bien disposés, mais que le premier obstacle décourage. Ce sont les hommes d’un moment que la force de l’Évangile n’a pas pénétré. La broussaille du terrain épineux souligne le poids de la vie matérielle qui, bien souvent, fait obstacle à la croissance de la parole : soucis du monde, richesse

Nous avons donc ici une mise en garde, appuyée sur l’expérience, contre les obstacles à l’épanouissement de la Parole et donc de la vie de foi. Mais il reste la finale, qui évoque l’itinéraire du disciple : celui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est l’homme qui entend la Parole, et la comprend, il porte du fruit.

 

Retenons bien ces trois étapes :

Entendre, écouter. La Parole de vie ne peut s’inventer, il faut toujours revenir à la source ; comprendre. Matthieu insiste beaucoup sur ce devoir du disciple d’entrer dans l’intelligence du message chrétien. Celui-ci fait pour être accueilli dans une intelligence sans cesse en éveil, approfondie. Il est nourriture de nos cœurs.

Porter du fruit. Le thème revient en Saint Jean : que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. (Jn 15,15) Ce fruit, c’est l’activité de charité du disciple, basée sur sa foi.

Nous voyons bien l’actualité de cette parabole. Elle nous appelle à l’espérance en une époque où les chantres du désespoir veulent nous faire admettre le déclin du christianisme. Mais l’Église de Jésus poursuit sa mission et a les paroles de la vie éternelle. Nous ne fermons pas les yeux sur les échecs, mais nous refusons qu’ils soient définitifs.

Par ailleurs, nous sommes mis en garde vis-à-vis de tout ce qui pourrait empêcher la semence de grandir en nos cœurs. Il nous faut, avec la grâce, vouloir progresser, écouter généreusement les obstacles.

Enfin, il nous faut approfondir notre Évangile pour porter du fruit, c’est-à-dire sans cesse penser, réagir, agir selon l’Évangile.

Retenons cette phrase de Saint Éphrem, diacre syrien du IVème siècle :

Ne t’attriste pas de ce que la richesse de la parole te dépasse… Si la soif est étanchée sans que la source soit tarie, tu pourras y boire à nouveau, chaque fois que tu auras soif.

Amen.