Cathédrale du Mans | Notre Dame de la Couture

Paix et Espérance !

Frères et sœurs, chers amis, par ces quelques lignes, je désire rejoindre chacun d’entre vous à l’occasion de la fête de Noël à laquelle nous avons pris le temps de nous préparer depuis plusieurs semaines. Que la lumière qui émane de la crèche de Bethléem vous apporte la joie, la paix et l’espérance ! De tout cœur, je vous souhaite un très joyeux Noël et j’élargis ces vœux à tous ceux qui vous entourent : les membres de vos familles, vos proches et vos amis. Je voudrais adresser une pensée particulière à ceux d’entre vous qui travaillent au service des autres en ces jours de fête, à ceux qui doivent les passer confinés ou isolés en raison de la maladie ou des circonstances, à ceux qui traversent un temps d’épreuve. Soyez assurés de mon amitié, de ma prière et du soutien de nos communautés paroissiales.

 

La bonne nouvelle qui nous est annoncée est magnifique car elle s’adresse à tous, en commençant par les plus pauvres et les plus humbles. Nous recevons un témoignage éloquent en contemplant la scène de la crèche que les bergers sont les premiers à découvrir. À leur suite et à leur exemple, nous accueillons l’appel du Seigneur à nous laisser déplacer pour le reconnaître sous les traits de cet enfant nouveau-né. Devant lui, les mots ne sont plus tellement nécessaires et nous pouvons demeurer en silence. Telle est la première prière de Noël : apprendre la valeur et la beauté du silence.

 

Ces derniers jours, notre pape François a insisté sur la vertu d’humilité qui nous est révélée : « le mystère de Noël c’est le mystère de Dieu qui vient dans le monde par le chemin de l’humilité »[1]. Nous ne finirons jamais de méditer sur le choix de Dieu qui manifeste sa grandeur par le choix de la petitesse et de la faiblesse, contrariant ainsi nos repères et nos représentations. Souvent, nous rêvons de puissance et de gloire, de conquête et de succès. Or notre Dieu naît sur la paille, au sens propre du terme. Les symboles qui accompagnent un avènement royal ont disparu au profit d’une mangeoire et de quelques animaux. Les prophètes se seraient-ils trompés ? Aurions-nous fait fausse route jusqu’alors ? Comment pourrons-nous trouver les moyens de défendre notre foi quand elle sera pourfendue ou menacée ? La réponse est à la fois simple et radicale : seule l’humilité nous permet de grandir dans la fidélité à Dieu et dans la cohérence. Humilité de Dieu, humilité des hommes. « Seule l’humilité nous ouvre à l’expérience de la vérité, de la joie authentique, de la connaissance qui compte. Sans humilité, nous sommes “coupés”, nous sommes coupés de la compréhension de Dieu et de la compréhension de nous-mêmes. Il faut être humble pour nous comprendre aussi nous-même, et d’autant plus pour comprendre Dieu »[2].

 

Nous demandons à Dieu de faire grandir en nous l’humilité comme une grâce : humilité de nos paroles et de nos jugements, humilité de nos regards et de nos gestes, humilité qui laisse aux autres la place pour exister, humilité qui consent à la différence et même à la contradiction, humilité de la correction fraternelle. L’humilité se dévoile ainsi comme une sœur de la charité. Ne craignons pas de passer pour des gens faibles ou fragiles car la vraie force est celle de l’Évangile que nous avons à vivre et à proclamer. La beauté de la foi ne supporte pas la pression ni la contrainte. À Noël, Dieu se rend accessible à tous, visible de tous, audible pour tous. Après avoir découvert l’Enfant qui venait de naître, les bergers sont repartis en toute hâte pour proclamer la joie de la foi nouvelle. Ils vivaient dans la nuit, en marge de la société ; ils sont devenus des témoins au grand jour !

Cette fête de Noël, nous le savons tous, intervient dans un contexte difficile. La crise sanitaire se poursuit avec ses effets contraignants et fatigants. Notre société s’avère traversée par de multiples tensions que la proximité des échéances électorales contribue à exacerber, dans les discours et parfois dans les actes. Notre Église elle-même demeure affectée par les révélations des abus et des violences commis en son sein durant des décennies. À cet égard, je suis conscient que la foi de certains s’en trouve fragilisée et que la confiance en l’Église peut être ébranlée. Au cœur de cette tempête, nous mesurons plus que jamais l’importance de former une communauté fraternelle. Nous ne nous sommes pas choisis mais le Seigneur nous confie les uns aux autres pour qu’ensemble nous discernions sa volonté et nous entraînions à la vivre. Dans le corps ecclésial, quand certains sont atteints par le doute ou la fatigue, ils savent pouvoir compter sur la présence et sur le soutien des autres. L’expérience récente de la prière des frères, proposée chaque dimanche à la fin de la messe à la Cathédrale et à Notre-Dame de la Couture, en est un beau signe. De manière générale, l’esprit synodal – que notre pape François nous invite à choisir résolument comme manière de vivre en disciples du Christ les uns avec les autres – constitue la réponse nécessaire aux défis de notre temps : « Là encore, seule l’humilité peut nous mettre en juste condition pour nous rencontrer et nous écouter, pour dialoguer et discerner, pour prier ensemble »[3]. Il n’est pas toujours confortable de changer nos habitudes, de renoncer à des réflexes bien enracinés, de consentir à avancer sur un chemin moins balisé. Mais il est aussi très stimulant de sentir que nous sommes attendus pour contribuer aux chantiers de reconstruction et de conversion que cette crise a ouverts.

 

Chaque année, la période de Noël nous conduit à formuler des vœux et parfois des résolutions. Certes, l’expérience nous enseigne à faire preuve d’humilité en ce domaine. Mais nous pouvons au moins discerner quelques pistes que nous aurions à cœur de chercher à vivre au cours de l’année à venir. Celle que je voulais vous partager m’est venue hier par la découverte d’un nouveau mot : l’ultracrépidarianisme. Il consiste à parler avec assurance de ce qu’on ne connaît pas. Lorsque j’étais séminariste, un de nos enseignants aimait nous mettre en garde contre cette mauvaise tentation. Il utilisait alors cette triple expression que beaucoup parmi vous connaissent : « quand je sais, j’énonce ; quand je doute, j’affirme ; quand j’ignore, je donne des détails ». Un mot savant a donc été forgé par un écrivain britannique, au début du 19ème siècle. Il nous arrive tous, à un moment ou l’autre, de sacrifier à cette folle envie de parler avec abondance et assurance de ce que nous connaissons peu ou mal. En vous parlant de cela, je suis conscient de me montrer imprudent car vous pourrez me reprendre lorsque je succomberai de nouveau à cet ultracrépidarianisme[4] si fréquent et vous aurez alors raison. Si nous voulons nous convertir, il ne s’agit pas de ne plus parler mais plutôt d’enrichir notre connaissance et notre discernement avant de prendre la parole. Nous pouvons le faire chacun pour notre part et nous pouvons aussi le faire ensemble de sorte que notre langage devienne toujours plus évangélique.

 

Frères et sœurs, chers amis, je vous renouvelle des souhaits chaleureux et sincères de bon et joyeux Noël. Je vous assure de mon amitié et de ma communion dans la prière avec chacun d’entre vous.

 

[1]Pape François, discours à la curie romaine pour les vœux de Noël, jeudi 23 décembre 2021.

[2]Pape François, audience générale, mercredi 22 décembre 2021.

[3]Pape François, discours à la curie romaine pour les vœux de Noël, op. cit.

[4]Ce mot est dérivé de la locution latin Sutor, ne supra crepidam, qui signifie littéralement : « Cordonnier, pas plus haut que la chaussure ».